Des mobiles et des immobiles

Son magasin tient dans ses mallettes. Il se déploie au fil des besoins, là où il est attendu, espéré, dans un périmètre de 70 kilomètres autour de son camp de base. Un magasin nomade, en somme. Cela faisait dix ans qu’Oriane exerçait en tant qu’opticienne traditionnelle. Mais depuis janvier, elle a décidé de se lancer : ce n’est plus au client de venir à elle, c’est elle qui va au-devant du client.

Que de chemin parcouru depuis l’époque où l’optique ambulante, taxée de « colportage », était rigoureusement interdite ! Mais nécessité fait loi : face à l’ampleur des demandes non satisfaites et surtout des besoins non détectés auprès des personnes en situation de mobilité réduite, la possibilité pour l’opticien d’exercer sur site (domicile, établissements médico-sociaux, entreprise) a ouvert des perspectives pour l’ensemble de la chaîne, en allant chercher le marché caché.

En décembre 2014, outre une initiative pionnière de la CDO en ce domaine, le réseau « Les Opticiens Mobiles » était le premier à se lancer dans l’aventure grâce à son fondateur Matthieu Gerber. Contrairement à l’époque du colportage, où les charlatans se taillaient allègrement la part du lion, les opticiens nomades d’aujourd’hui non seulement possèdent les mêmes qualifications que leurs confrères sédentaires, mais possèdent peut-être ce petit supplément d’âme qui les pousse avec une empathie nouvelle à défricher des territoires jusque-là totalement ignorés. Chez les Opticiens Mobiles, un centre de formation interne a même vu le jour pour donner à l’expertise classique un champ de compétence spécifique à ce nouveau métier de l’optique.

Alors que les maladies neurodégénératives explosent, alors que l’on sait qu’une bonne stimulation visuelle est à même de les ralentir, voire même de les prévenir, les grands âgés de la classe moyenne et pauvre sont parqués sans ménagement dans les mouroirs de la république. A elle seule, la mauvaise vue est responsable de 70% des chutes : alors que l’on sait que la fracture du col du fémur entraîne la fin de l’autonomie, et dans la plupart des cas, la lente agonie de la personne âgée. Avec le surcoût de la souffrance, de la peine mais aussi de la longue hospitalisation qui s’avère le plus souvent nécessaire.  Ce gâchis existentiel, sanitaire et économique peut être prévenu. Les Opticiens Mobiles participent à ce mouvement. Il constitue une belle initiative, visible et proactive, de la part de la profession, pour se mettre au diapason de la société et apporter une première réponse à l’immensité des besoins nouveaux.

De telles initiatives, l’histoire moderne de l’optique-lunetterie n’en compte pas plus de trois. Il y eut la grande aventure de l’optométrie, en tant qu’exigence d’une profession médicale distincte de celle d’opticien au début des années 80 (aujourd’hui encore revendiquée comme profession de santé distincte de tout acte de commerce) ; l’émergence de l’Opticien de Santé (reconnu par les décrets de 2007 et 2016, et permettant à chacun d’y trouver sa place). Enfin est apparu « l’Opticien sur site », qui constitue au fond un déploiement naturel de son activité. Il s’inscrit dans une logique de service et de réponse individualisée aux besoins. Il n’interfère donc pas dans le marché, il en crée un nouveau. Ceux qui affectionnent les antagonismes et les débats d’arrière-garde en seront pour leurs frais. Les « mobiles » sont des explorateurs à même d’ouvrir des marchés aux « immobiles ». Même s’il est vrai qu’une interaction efficiente reste à inventer. L’an passé, le réseau Les Opticiens Mobiles décrochait le Trophée de la Silver Economie dans la catégorie « Meilleure Prestation de Services ». Une belle reconnaissance pour une démarche militante autant qu’entrepreneuriale. Sa forte progression en témoigne : le modèle est pertinent. Quelque chose de nouveau est arrivé : et quoi qu’il en soit on ne remettra pas le champagne dans la bouteille.

Gros plan sur une personne âgée (senior)

Suite au succès de son programme « Bien Voir Pour Mieux Vivre », lancé en mars 2017 lors des Assises Nationales des EHPAD, développé spécialement pour les établissements médico-sociaux en collaboration avec eux, le réseau Les Opticiens Mobiles vient de mettre en place une offre globale de produits et services pour apporter conseil et accompagnement dans la prise en charge de la malvoyance (basse vision) directement sur les lieux de vie des personnes. Une trentaine d’Opticiens Mobiles du réseau ont été formés en basse vision par la LOM SCHOOL (École interne de formation continue). Objectif : former une centaine d’opticiens mobiles d’ici le printemps prochain.

Cette démarche volontaire d’amélioration continue permet à l’entreprise de nouer des partenariats stratégiques avec les mutuelles et les acteurs du secteur médico-social pour offrir un service innovant, fiable, sécurisé et économique. Au profit des personnes dites « vulnérables », le réseau Les Opticiens Mobiles a mis en place une offre de service avec la Mutuelle Intégrance (Groupe Apicil), leader en France dans la protection des personnes handicapées et dépendantes. Des réflexions autour de la délégation de tâches sont en cours avec les ophtalmologistes pour favoriser la prise en charge des publics fragiles et répondre aux besoins des aidants et du personnel soignant. Reste le frein de l’examen de vue à domicile, que le décret d’octobre 2016 interdit. Une interdiction voulue par les syndicats d’opticiens, toujours prompts à replonger dans le passé. « En France, plus de 35% des personnes de plus de 65 ans ont une vision mal ou non corrigée, explique Matthieu Gerber. On compte 1,2 millions de personnes âgées dépendantes en France, elles seront 2,7 millions en 2060. Il y a aujourd’hui 500 000 personnes handicapées en établissements spécialisés. Il y a urgence ».

A ceci s’ajoute l’impact des nombreuses innovations technologiques. Il faudra bien un corps d’opticiens nomades pour les déployer, puisque par définition elles s’adressent à des publics en perte d’autonomie. Il s’agit des nouvelles générations de produits pour basse vision (on pense notamment à l’extraordinaire dispositif MyEye, sorti chez Essilor l’an dernier : MyEye est une aide électronique nomade et intelligente qui s’adapte sur tous types de montures adultes. Les informations se transmettent par le biais d’un écouteur à conduction osseuse ou par des écouteurs. Un assistant vocal lit les indications écrites que la personne malvoyante pointe à l’aide de son doigt, nom de rues, mail, romans…). On pense aussi à ce que les start-up sont en train de mettre au point : des lunettes avec gyroscopes et fonctions d’alerte pouvant détecter et signaler la chute de la personne sont déjà annoncées.

A l’heure où chacun prône la proximité avec le public, il n’est pas de plus grande proximité que celle qui transporte le professionnel vers son client-patient, dans le contexte spécifique de sa vie quotidienne. La mobilité ne doit plus se contenter d’être virtuelle, via Internet ; elle doit aussi s’incarner au plus près des besoins. Au-delà des enjeux sanitaires, sociaux et économiques, il y a là pour la filière un enjeu de valorisation, tant en termes d’image qu’en termes business, de toute première importance. 

 Source : L’Essentiel de l’Optique – Newsletter N° 193  Des mobiles et des immobiles 

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